"Des litres de grenadine dans des grandes cruches en plastique;
Des crevaisons à vélo;
Des prises de foulard gagnées, des prises de foulard perdues;
Des siestes;
Se changer dans son sac de couchage;
Des doigts qui saignent parce que les tiges de fougères, ça coupe;
Des bassines remplies pour faire la vaisselle;
Des fous rires;
Craindre de tomber dans la feuillée;
Des feux qui nous envoient la fumée en pleine figure;
Des rassemblements où l'on court et l'on hurle en se pliant en deux;
Des lettres envoyées par les mamans et reçues par les enfants;
Des kilomètres en train; des kilomètres à pied;
Des craies utilisées pour des jeux de piste;
Des débats secrets entre scouts pour savoir si tel chef sort avec un autre;
Des kilos de spaghetti bolognaise, de saucisse compote purée et de hot-dogs;
Des brêlages;
Des camps construits;
Des fois qu'il a fallu regonfler son matelas pneumatique;
Des mots d'encouragement;
Des disputes, des réconciliations;
[...]
Des litres de rosée matinale sur les chevilles quand on traverse la prairie à l'aube pour un besoin pressant;
Des heures de découverte magique d'un canif suisse;
Des petites appréhensions quand on part pour son premier camp;
Des pêches au thon et des gâteaux aux petits beurres aux concours cuisine;
Des essuies crasseux pour faire la vaisselle;
Rêver de sa baignoire à la maison;
Des soupirs d'aise quand on sent la caresse du soleil après trois jours de pluie continue;
Des milliers de fois où Stewball s'est cassé la pipe après la rivière;
L'odeur divine de la pluie sur la route quand le beau temps revient;
Crier "On a faim, les cuistots sont radins, on n'a rien à bouffer, on va tous crever";
Des foulards perdus;
Des feux qui offrent des milliers de petites étoiles au ciel quand on ajoute du bois de résineux;
[...]
Des moments où l'on ne se rend pas compte qu'on a bon;
Les éclairs dans vos regards quand je vous raconte tout cela".
Laurent Deutsch,
ancien du mouvement